dimanche 1 février 2015

Le suivi des AVK

Bonjour à tous, aujourd'hui je vais présenter le suivi des AVK au Québec. Vous allez pouvoir comparer avec le suivi proposé aux pharmaciens français, par rapport à ce qu'on a le droit de faire ici. Bien sur, je vais parler de ce sujet basé sur mon expérience au travail en officine.

Premièrement, il faut savoir que le principal AVK utilisé est la warfarine (que l'on prononce COUMADIN ici au lieu de COUMADINE). Il existe aussi de l'acénocoumarol mais cette molécule n'est quasiment pas utilisée en raison des difficultés à gérer les variations d'INR.
Tous les dosages sont possibles pour la warfarine sur le marché :


Donc pour jouer avec les doses, on dispose de 1 mg, 2 mg, 2,5mg, 3 mg, 4 mg, 5 mg et 6 mg. De préférence, il faut éviter de couper les comprimés pour éviter les variations de dose. En France, seules les spécialités de 2 mg et 5 mg existent.

Pour le suivi des AVK, il existe plusieurs situations que je vais décrire les une après les autres.


  • Premier cas : le médecin gère seul l'INR et la warfarine
Aujourd'hui, j'ai fait un petit tour des patients que j'ai dans ma pharmacie, et seul 3-4 patients sur la cinquantaine sous AVK sont suivis de cette façon. On reçoit uniquement les ordonnances et le patient gère directement avec le médecin. C'est un peu la situation retrouvée en France en officine : on ne connait pas l'INR et on se contente de distribuer les doses de warfarine.

  • Deuxième cas : une infirmière travaille dans le cabinet médical et s'occupe des INR
C'est la situation la plus fréquente dans ma pharmacie ; au dessus de la pharma, il y a un cabinet médical (on dit clinique ici) avec une dizaine de médecin (généralistes ou spécialistes) et deux infirmières. Les médecins qui ont des patients sous AVK délèguent le suivi aux infirmières. Elles doivent suivre un protocole établi avec les médecins. 

De façon schématique, la dose de warfarine est calculée selon une base hebdomadaire. Par exemple, si un patient prend 5 mg par jour, la dose hebdomadaire est de 35 mg. Selon les résultats, les doses sont adaptées selon un protocole précis. Je vais détailler un peu plus dans la dernière situation. 

A la pharmacie, on reçoit régulièrement leur ordonnance de suivi ; le médecin est responsable mais l'ordonnance est rédigée par l'infirmière. On parle d'ordonnance collective (les pharmaciens ont aussi leurs propres ordonnances collectives, ce qui nous donne le droit d'initier des traitements qui sont normalement sous prescription ; j'en parlerai dans un futur post). Sur cette ordo, on a l'indication de l'anticoagulothérapie, la cible, la valeur de l'INR et les adaptations de posologie. On peut ainsi suivre régulièrement les valeurs. De plus, comme on connait bien les infirmières du cabinet au dessus, il est très facile de les appeler pour leur signaler l'ajout d'un médicament pouvant interagir et ainsi prévoir un INR plus rapidement par exemple. Les infirmières peuvent aussi nous joindre afin d'organiser la médication des patients en pilulier (ajustement des doses dans leur pilulier en allant les chercher par notre livreur et modification des cases à la pharmacie). 

Notre système information permet de sauvegarder tous les résultats pour un patient :


  • Troisième cas : suivi réalisé par une clinique d'anticoagulothérapie
Tout d'abord, sachez qu'on parle de "clinique" d'une toute autre façon qu'en France. Une clinique est un regroupement de médecin en cabinet médical. Par exemple, on peut aller en clinique externe de cancérologie à l'hôpital ; cela signifie qu'on va en consultation externe dans le service de cancérologie. Donc une clinique d'anticoagulothérapie est un service, généralement hospitalier, qui assure le suivi des anticoagulants des patients hospitalisés, et parfois par certains patients qui viennent de sortir de l'hôpital le temps que le médecin de famille reprenne le relais (directement ou via les infirmières, vous suivez ? ;) ).

En gros, ce sont des médecins et pharmaciens qui passent leurs journées à ajuster des doses d'AVK selon un protocole précis pour chaque service. Dans ce genre de situation, on reçoit à chaque prise de sang le résultat de l'INR avec les adaptations à faire pour le patient. La seule différence avec les infirmières du cabinet médical au dessus est qu'il est plus difficile de les joindre si jamais on n'est pas d'accord avec l'ajustement, si on a des questions ou pour les aviser d'un ajout / retrait de médicament pouvant entrainer des interactions avec les AVK.

  • Quatrième (et meilleur) cas : suivi réalisé par le pharmacien d'officine
Et oui, vous avez bien lu, on peut gérer directement l'INR et les doses d'un patient. Cela est possible depuis 2005 par l'accord entre l'Ordre des Pharmaciens et le Collège des Médecins du Québec (ce qui correspond à l'Ordre des Médecins). C'est un algorithme précis établi par des médecins et des pharmaciens sur comment réaliser le suivi des AVK. Je vous mets ici le lien vers ce guide qui est un peu notre bible sur le déroulement du suivi :

http://www.opq.org/cms/media/809_38_fr-ca_0_ld_anticoagulotherapie_pharm.pdf

Globalement, c'est un médecin qui nous délègue le droit d'ajuster les doses. Le nom du médecin est toujours officiellement le prescripteur ; nous ne faisons qu'adapter les doses de sa prescription. Sa prescription doit nous préciser l'indication de l'AVK, la cible visée, les situations pour lesquelles il faut le contacter (INR sur- ou sous-thérapeutique dépassant des seuils établis), et la fréquence des rapports de suivi. Par exemple, certains médecins veulent être avisés à chaque changement, tandis que d'autres veulent en avoir tous les mois ou tous les ans 

Voici à quoi ressemble la prescription :






Pour chaque patient, nous avons une feuille de suivi dans un classeur avec toutes ces informations :



A chaque fois que le patient n'est pas dans la cible, on doit déterminer si une raison temporaire peut expliquer la modification et ainsi justifier nos adaptations (alimentation, activité physique, alcool, médicament...) et la date du prochain INR. Il y a aussi un algorithme en cas d'ajout d'un médicament qui peut interagir (quelle est l'adaptation de dose à faire et quand contrôler l'INR par la suite).

Voici quelques extraits des lignes directrices (voir lien ci-dessus) :



Dans ma pharmacie, on suit environ 5 patients ; ce sont des patients plutôt stable de façon générale et qui ont une anticoagulation à vie. Ce sont généralement les médecins autres que ceux de la clinique au dessus de la pharmacie ou les cliniques d'anticoagulothérapie qui nous délèguent ces patients. 

Perso, la première fois que j'ai du ajuster un INR j'ai un peu "paniqué" ; on a toute la théorie dans la tête par la formation que l'on a eu (je parle de la formation de la fac et les lignes directrices), mais quand on doit le faire en pratique la première fois c'est différent. Mais maintenant, l'ajustement de warfarine devient un "jeu d'enfant". Et les patients apprécient le fait de pouvoir nous joindre directement en cas de question. Les patients peuvent soit faire directement leur INR avec le CoaguCheck (bandelettes pour INR) ou aller faire leur prise de sang au laboratoire d'analyse. 

En conclusion, dans la majorité des cas, on peut jouer notre rôle de suivi de la pharmacothérapie car on a l'INR régulièrement pour 95% des patients. Et on peut même jusqu'à gérer directement les doses. Quand on pense qu'en France on peut uniquement faire des "rencontres d'information", on est vraiment loin du Québec. J'apprécie réellement ce rôle de pharmacie clinique mais je doute qu'on retrouve cela un jour en France au vue du contexte actuel. Cette délégation met en évidence la confiance que les médecins ont envers les pharmaciens ainsi qu'une reconnaissance réelle et effective de nos compétences de professionnels de santé. 

J'espère que ce post vous a intéressé!! :)

Des questions ? Des commentaires ? N'hésitez pas je répondrai rapidement :)




1 commentaire:

  1. bjr merci pour l'info étant moi meme une patiente traitee par des anti coagulants (coumadin) et c'est vrai ici pas de suivis je dois impérativement revoir mon medecin apres chaque analyse ,or si mon pharmacien etait bien formé comme vous le dites je n'aurais pas à me deplacer en clinique

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