samedi 7 février 2015

Relations médecin pharmacien

Hier j'ai réalisé à quel point les échanges entre médecins et pharmaciens peuvent être différents ; bien entendu, ce que je vais raconter là est uniquement lié à mon expérience, mais je ne pense pas que ce type d'échanges survient en France (ou alors c'est anecdotique).

Dans le cabinet médical (ou clinique) situé à l'étage au dessus de la pharmacie, il y a environ une dizaine de médecins (généraliste ou spécialiste). Au fil du temps, on crée des liens avec les médecins en haut, et certains prennent l'habitude de nous appeler pour diverses questions.

Certains médecins ne vont nous appeler que pour nous demander si on a un médicament en stock, et s'il est en rupture par quoi le remplacer. D'autres pour nous demander d'envoyer la liste des médicaments que prend un patient à la pharmacie (profil pharmacologique) ou pour savoir si un patient est observant.

Certains médecins qui pratiquent depuis peu se sont installés au cabinet et ont commencé à nous appeler pour des questions plus orientées vers la pharmacie clinique. En effet, j'ai cru comprendre qu'au cours des études de médecine/pharmacie au Québec, l'interdisciplinarité est mise en avant depuis une dizaine d'années, avec le fait de collaborer entre professionnels et de ne pas hésiter à communiquer en cas de questions concernant une prise en charge de patient. Il y a notamment des cours communs sur la prise en charge globale du patient.
Par exemple hier, j'ai reçu quelques appels de ce type. J'ai eu un premier appel d'une médecin  qui voulait savoir quelle crème était plus efficace dans les mycoses circinées et quelle était la durée du traitement. Le second appel a été celui d'un autre médecin qui voulait savoir si le citalopram avait des précautions d'emploi chez les patients épileptiques. Et enfin, un autre médecin qui voulait savoir quelles étaient les recommandations quant à l'utilisation de l'amoxicilline dans la pneumonie chez l'enfant au Québec ; fallait-il donner systématiquement une dose de 90 mg/kg/j ou uniquement au cas par cas.

La plupart du temps, les médecins qui appellent veulent juste conforter leur idée, mais je pense qu'ils apprécient vraiment le fait qu'on puisse les aider rapidement à répondre à leurs questions de pharmacothérapie.
Parfois les questions sont plus complexes ; l'autre jour, un généraliste de la clinique m'appelle pour me demander ce que je pensais de l'utilisation du rivaroxaban versus la warfarine chez un patient qui prend de la phénytoine pour ce qui est des interactions médicamenteuses et leurs mécanismes. On se croit parfois devant une copie d'examen de pharmacocinétique :)

Les infirmier(e)s nous appellent aussi fréquemment pour avoir des listes de médicament à jour, ou pour nous demander comment administrer un médicament. Une fois, j'ai même eu un infirmier d'une maison de retraite qui m'a appelé pour valider l'utilisation d'un médicament chez un patient insuffisant rénal prescrit par un médecin pendant le weekend au moment où le pharmacien de la résidence était en congé.

Souvent, les médecins nous appellent aussi pour faire ce qu'on appelle des prescriptions verbales : il s'agit de nous dicter par téléphone une ordonnance pour faire modifier ou ajuster la prescription du patient. On doit la noter cela sur un pad de prescription et la signer à la place du médecin (en indiquant ordonnance verbale du Dr. X, notée à tel heure tel jour). Souvent, cela permet un échange pour connaitre l'indication thérapeutique, l'intention thérapeutique, la cible thérapeutique ou de définir une marche à suivre pour ajuster la dose (par exemple, je prescris furosémide 40 mg deux fois par jour, mais si le poids baisse trop rapidement, diminuer la dose à 40 mg par jour). A nous aussi de gérer le suivi du patient pour ajuster la dose en conséquence.

Personnellement, je trouve que la prescription verbale est une pratique qui peut entraîner parfois des risques de fausses ordonnances (on a aucune preuve que la personne qui nous parle est bel et bien le médecin ; parfois certains médecins demandent à leur secrétaire d'appeler ce qui est illégal. Parfois ce sont des infirmiers qui appellent pour transmettre une ordonnance verbal du médecin... ce qui est d'autant plus une source d'erreur). Heureusement, il y a quelques garde-fous comme l'interdiction de prescrire des stupéfiants par téléphone. Par contre, quelqu'un peut se faire passer pour un médecin pour se faire prescrire des benzodiazépines...

Au final, j'apprécie énormément le fait que le pharmacien est reconnu comme un professionnel de santé compétant dans son domaine (le médicament) au Québec. Pourquoi n'a-t-on pas nécessairement cette reconnaissance en France ? Etudes pas adaptées à la pharmacie clinique ? Manque d'échanges médecin/pharmacien au cours des études ? Certaines pratiques pharmaceutiques douteuses d'épiciers ou de magouilles d'apothicaires ? Je ne dis pas que tout est rose au Québec (on lit régulièrement des suspensions de droit de pratique pour des trafics de stupéfiants ou pour des fraudes à l'assurance), mais je pense que globalement, la profession de pharmacien a su évoluer de façon plus positive et que les échanges d'aujourd'hui entre acteurs de santé sont le reflet de cette évolution.

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