dimanche 8 mars 2015

Les honoraires en pharmacie

Une des grosses différences entre la France et le Québec est le mode de rémunération des pharmaciens ; contrairement à la France où le bénéfice provient de la marge réalisée sur chaque boîte vendue (ainsi que sur les 50 centimes par boîte rajoutés cette année), il existe au Québec un honoraire de dispensation.

Par exemple, lorsque je facture un médicament, mon logiciel indique les informations suivantes :


(notez que la somme astronomique ici n'est pas réelle !! on n'a jamais encore facturé un médicament à ce prix là). On voit s'afficher le prix du médicament (c'est-à-dire le coût du médicament lorsqu'on l'achète au fournisseur), plus un honoraire. Globalement (et de façon simplifiée car il existe des cas particuliers pour les génériques), le prix du médicament est son prix coûtant additionné de l'honoraire.

Comment est déterminé l'honoraire ? Les informations que je présence ici sont issues de l'Association des Pharmaciens Propriétaires du Québec :


Le prix du médicament inclut donc le coût de la substance, plus l'honoraire (qui correspond au service professionnel du pharmacien ainsi que pour couvrir les frais d'exploitation de la pharmacie). L'honoraire est fixe pour les patients assurés par le régime public d'assurance médicament, et variable pour les patients assurés par une assurance collective privée. 

Concernant les honoraires liés à l'assurance publique, les tarifs sont disponibles via le manuel de facturation destinés aux pharmaciens. Globalement, l'honoraire pour une ordonnance (c'est-à-dire une ligne de prescription ou un médicament) est d'environ 8-9 dollars pour un mois ; l'honoraire est modulée selon le nombre d'ordonnance annuel de la pharmacie et selon certains critères (médication chronique ou non, patient qui abuse de sa médication nécessitant un suivi important, patient devant prendre sa médication devant le pharmacien...). Donc par exemple, si un patient prend 10 médicaments, le pharmacien va toucher un honoraire d'environ 80-90 dollars. Il ne faut pas oublier que non seulement cet honoraire sert à payer le service, mais aussi le personnel technique qui prépare les médicaments (comptage des comprimés...). L'honoraire est plus élevé lorsqu'il s'agit d'une préparation magistrale ou d'une préparation stérile à reconstituer pour prendre en compte le temps technique nécessaire. L'assurance paye aussi le coût du médicament ; mais globalement, contrairement à la France où l'on a intérêt à vendre plus de boîtes, ce n'est pas le cas ici. Certes, plus il y a de médicaments sur la prescription, plus on touche d'honoraire ; mais si on vend 200 comprimés de paracétamol ou 50 comprimés de paracétamol, l'honoraire sera le même globalement. 

D'autres actes pharmaceutiques sont également facturables pour les patients qui sont affiliés au régime public : les opinions pharmaceutiques et les refus. Par exemple, si je refuse de dispenser un médicament en raison d'une interaction, d'une allergie, d'un antécédent d'effet secondaire, d'un surdosage ou sous-dosage... le pharmacien reçoit un honoraire de refus. Bien entendu, il est nécessaire de justifier notre refus au dossier du patient. 

L'opinion pharmaceutique est un acte réservé aux pharmaciens qui consiste à faire une proposition au médecin afin d'améliorer la thérapie médicamenteuse du patient, ou pour l'avertir d'un manque d'observance dans certaines pathologies sensibles (VIH, épilepsie...) avec l'accord du patient. 

Quelques exemples d'opinions pharmaceutiques pour illustrer :
  • Proposer au médecin de suspendre un traitement par potassium à un patient qui prend un IEC et de la spironolactone, et dont le diurétique de l'anse a été cessé il y a quelques jours.
  • Proposer de réduire une dose d'antihypertenseur chez une patient de 80 ans qui fait régulièrement des hypotensions et dont la pression artérielle est basse.
  • Proposer d'ajouter un médicament anticholinergique pour un patient qui se plaint de symptômes extrapyramidaux avec un traitement par neuroleptique.
  • Proposer l'ajout d'un beta-2 mimétique à longue durée d'action chez un patient asthmatique dont l'asthme est insuffisamment contrôlé par du salbutamol et une forte dose de glucocorticoïdes inhalés.
  • Proposer un changement de statine pour éviter une interaction par cytochrome.
  • Proposer de remplacer un IEC par un sartan chez un patient qui se plaint de toux chronique.
  • Etc.
La formation des pharmaciens est beaucoup plus clinique afin d'avoir un rôle de suivi de la thérapie médicamenteuse. Et réaliser un opinion pharmaceutique est un acte pharmaceutique reconnu par l'assurance publique. Les assurances privées en revanche ne couvrent pas ce type de service. 

Il existe également un honoraire lors de la dispensation de la pilule du lendemain pour "consultation pharmaceutique" ; au cours de cette consultation, le pharmacien doit évaluer la demande de pilule du lendemain, favoriser le bon usage et orienter la patiente vers les ressources appropriées si besoin.

En ce moment, un débat fait rage avec le gouvernement pour la couverture de nouveaux actes et services pharmaceutiques (prolonger une ordonnance, ajuster une ordonnance, prescrire un médicament lorsque qu'aucun diagnostic n'est requis ou en cas de condition mineure (acné modérée, herpès labial...)...). 


Les pharmaciens français devraient s'investir beaucoup plus à faire modifier le mode de rémunération plutôt que de multiplier la vente de produits divers et variés.

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